Savez-vous vraiment ce qu’est la permaculture ?
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À la fin des années 1970, Bill Mollison et David Holmgren publient « Perma-Culture 1, une agriculture pérenne pour l’autosuffisance et les exploitations de toutes tailles », un ouvrage qui mêle écologie, thermodynamique, aménagement du paysage, urbanisme, architecture, agriculture et sociologie. Certes, le mot “permaculture” est relativement récent mais les valeurs qu’il sous-tend et son concept même ne datent pas d’hier. À la fin de cet article, il est possible que vous vous rendiez compte que vos arrière-grands-parents faisaient sûrement de la permaculture !
« Le terme permaculture vient de deux mots latins : “permanens”, persister dans le temps, et “cultura”, les activités qui permettent de maintenir l’existence des hommes. Ensemble, c’est donc un système durable qui soutient l’existence humaine. »
David Holmgren
S’inspirer de la nature pour produire une abondance de nourriture, matériaux et énergie afin de répondre à des besoins locaux est un concept qui a dû traverser les époques depuis la naissance de l’agriculture. La particularité de David Holmgren et Bill Mollison vient du fait qu’ils ont d’une part théorisé le concept et d’autre part qu’ils ont mêlé savoirs traditionnels et découvertes scientifiques récentes pour en faire une méthode de design durable. Par ailleurs, la permaculture est née dans un contexte de critique de la surconsommation et de l’industrialisation du monde, notamment agricole, suite à la seconde guerre mondiale, réduisant ainsi la nature à un ensemble de ressources à exploiter.
La permaculture, c’est d’abord une éthique
Contrairement à ce que beaucoup imaginent, la permaculture n’est pas un concept précis et figé dans le temps puisqu’il ne s’agit pas d’un ensemble de techniques particulières (spirales aromatiques, buttes en lasagne, etc.). C’est une manière d’appréhender la vie en se basant sur une éthique : prendre soin de la Terre, prendre soin des humains et partager équitablement. Autrement dit, c’est une méthode pour bâtir une symbiose entre les humains et la nature.
Et pour cela, la permaculture choisit de s’appuyer sur le concept d’écosystème. À l’image de notre corps et de la planète, tout est interconnecté : les cellules, les flux, l’atmosphère, le sol, les êtres vivants, l’océan. D’une certaine manière, tout est écosystème, que ce soit une forêt ou un groupe d’humains travaillant ensemble. Si l’on souhaite maintenir un écosystème en vie, il faut qu’il s’auto-régule, comme le fait par exemple notre corps avec la température extérieure ou la glycémie. C’est pourquoi la permaculture est d’abord basée sur l’observation du milieu. S’appuyer sur l’ensemble des interconnexions permet à un système de perdurer.
« Dans les systèmes naturels, l’abondance ne dépend pas de la quantité de ce qui entre dans le système mais du nombre de fois où ce qui entre est utilisé avant de se perdre »
Quel monde voulons nous ?, Starhawk, 2002
Une méthode de design ?
“Observer avant d’agir” est un des grands principes de la permaculture. Ces principes sont avant tout des guides pour nous aider à trouver des solutions techniques aux problèmes de design que nous pouvons rencontrer. Le design, en permaculture, n’est pas uniquement pensé comme la conception d’un lieu. Le terme s’étend à la manière de concevoir des outils, l’éducation, la santé, l’économie, les entreprises, les relations sociales, etc. L’étendue des applications de la permaculture vise notre société entière et tous nos choix quotidiens : acheter tel produit plutôt qu’un autre, choisir tel habitat, etc.
Les 12 principes en permaculture de David Holmgren
• Observer et interagir.
• Collecter et stocker l’énergie. Par exemple, stocker l’eau de pluie ou conserver un sol riche en matière organique.
• Créer une production (afin de gagner en autonomie).
• Appliquer l’autorégulation (c-à-d avoir un système qui nécessite le moins d’interventions extérieures) et accepter la rétroaction.
• Utiliser et valoriser les services et les ressources renouvelables (s’appuyer sur des ressources qui peuvent se renouveler à l’échelle d’une vie humaine).
• Ne pas produire de déchets (dans la nature il n’y a pas de déchets).
• Partir des structures d’ensemble pour arriver aux détails.
• Intégrer plutôt que séparer : chaque élément remplit plusieurs fonctions et chaque fonction est assurée par plusieurs éléments.
• Utiliser des solutions à de petites échelles et avec patience.
• Utiliser et valoriser la diversité (la diversité permet à un système de perdurer, par exemple la diversité génétique d’une forêt va l’aider à être plus résiliente face à une maladie ou un ravageur).
• Utiliser les interfaces et valoriser les bordures (par exemple les lisières de forêt sont des zones très denses en biodiversité, et votre voisin peut être un atout majeur dans la conception de votre potager).
• Utiliser le changement et y réagir de manière créative (“stable” ne veut pas dire “statique”, le design est sans cesse repensé en fonction des aléas).
David Holmgren
Ces principes, lorsqu’on les lit pour la première fois, peuvent paraître trop théoriques. Pourtant, en y réfléchissant d’un peu plus près, ils relèvent du bon sens et s’appliquent très concrètement. Par exemple, “une fonction doit être remplie par plusieurs éléments” : si une source d’eau se tarit, il faut avoir d’autres moyens d’accéder à de l’eau pour continuer à vivre ou simplement arroser son potager. Si vos panneaux solaires ne fonctionnent plus, il est bien d’avoir pensé à un autre système pour avoir de l’électricité par exemple. Ce sont des principes qui ont toujours été appliqués et qui ont permis aux hommes de survivre.
Mais aujourd’hui, ce sont des principes que l’on peut avoir tendance à oublier dans un monde où la plupart des ménages ont l’électricité et l’eau courante. Pourtant, avec les crises actuelles, qu’elles soient climatiques ou politiques, la résilience est essentielle. Ces principes peuvent donc être utilisés comme des petits mémos à garder en tête.
Au jardin, ils peuvent être appliqués pour réfléchir à la manière dont on cultive. Favoriser la biodiversité du sol peut permettre de profiter du travail de recyclage de la matière organique et de labour qu’effectuent les vers de terre. Ainsi, vous économisez votre dos (« capter et stocker l’énergie »). Il peut s’agir aussi simplement d’utiliser vos déchets de jardin pour pailler vos cultures (“ne pas produire de déchets”) ou bien d’utiliser le saule qui envahit le jardin de votre voisin pour faire de l’eau de saule ou bien de la vannerie (“le problème est la solution”). Ces principes sont aussi à penser conjointement avec l’éthique de la permaculture donc il s’agit aussi par exemple de partager vos surplus de culture avec vos voisins ou faire des trocs entre des cultures que vous arrivez à bien faire pousser chez vous et inversement pour quelqu’un d’autre.
« Faire le plus petit effort pour le plus grand changement »
En permaculture, on dit qu’il faut observer durant 1 an son terrain avant de pouvoir commencer à intervenir dessus. En effet, la méthode de design est vouée à être longuement réfléchie afin de concevoir un espace dans lequel vous aurez ensuite le moins d’interventions possibles à faire. L’emplacement de chaque élément est réfléchi e n a mont : pourquoi mettre une pergola ici ? Au-delà de l’ombre, est-ce que cette pergola peut répondre à d’autres fonctions intéressantes ? Peut-on produire de la nourriture dessus ?
Mais comme nous l’avons dit précédemment , la permaculture ne s’applique pas qu’à la conception d’un terrain. Ces principes et l’éthique de la permaculture peuvent s’appliquer dans tous les champs de notre vie et de notre société. Ainsi, par exemple au niveau des technologies et des outils, il peut s’agir d’apprendre à réparer soi-même, de concevoir des outils sur-mesure pour vos besoins et d’utiliser des matériaux facilement accessibles (et donc que vous pourriez renouveler facilement si besoin). Toujours se poser ces trois questions : est-ce que je prends soin de la terre ? Est-ce que je prends soin des humains ? Et est-ce que je peux partager équitablement ? À vous de jouer maintenant !